Nous naissons. Nous mourrons. Tout ce qui est entre ces deux évènements est de l’ordre du détail. Tout cela est d’une simplicité déconcertante.
Fanny était un corps qui vieillissait. Ce qu’il y avait de plus intéressant chez elle, c’était ses gros seins. Elle les dressait devant elle non sans fierté et s’amusait à exciter les mecs autour d’elle en les remuant discrètement. Ses seins étaient son passeport pour un monde qui ne tolère pas son grand nez et sa silhouette trop ronde.
Voilà près de quatre mois qu’elle connaît Nicolas. Ce soir, ils se rencontrent comme à l’accoutumée. Ils rentrent chez lui. Il fait frais et Fanny était de mauvaise humeur car l’agence de voyages où elle travaille est en difficulté. Nicolas essaie de lui faire l’amour. Il a froid aux orteils. L'amour lui paraît pénible et interminable. Il essaie de se chauffer en faisant de grands mouvements, en se collant à sa campagne, en cherchant une couverture. Rien à faire. Tout cela est ridicule.
Il quitte le lit, se dresse tout nu devant la porte de son studio qu’il ouvre avec des gestes mesurés. Il regarde patiemment sa partenaire et ses yeux la prient de quitter l’appartement.
D’abord effrayée, Fanny se précipite sur la couverture pour couvrir ses seins. Le studio est tellement petit que le lit est juste en face de l’entrée, de telle façon que tout passant dans l’escalier peut sûrement voir toute la scène.
Un moment passa. Fanny se ressaisit et quitte tranquillement le lit. Elle a compris ce qu’elle a à faire. Elle ramasse ses vêtements sur la chaise à côté, le plus naturellement du monde. Elle marche, nue, vers la porte. Ses seins expriment toujours la même fierté malgré l’humiliation. Quand elle arrive à hauteur de Nicolas, elle s’arrête un moment et lui lance :
« Je n’ai jamais vu un désert aussi aride que ton âme. »
Elle sort sur le palier, tenant ses vêtements par la main gauche et ses chaussures à talons par la main droite.
Il claque la porte, se précipite vers le coin cuisine où il prend une gorgée de Whisky. « L’alcool me réchauffera plus sûrement et durablement que le sexe » se dit-il. Il se jette sur le lit et ferme les yeux : « Elle trouvera quelqu’un avec qui baiser. Il y a tellement de gens qui aiment les gros seins. Mais dans 10 ans, 15 ans, ses seins vont pointer vers le sol et sa peau ferme va se ramollir. Les rides vont creuser son visage et tous les soins anti-âges ne feront pas reculer la fin mais lui donneront juste une impression de lutter contre le néant. Sans famille, sans amis, sans enfants elle finira sa vie. Nous naissons. Nous mourrons. Tout ce qui est entre ces deux évènements est de l’ordre du détail. Tout cela est d’une simplicité déconcertante. »